La photo est immortelle, les histoires aussi. Celle de ce 4 juillet particulièrement pour moi.
Je vais vous raconter aujourd’hui ma journée du 4 juillet 2024. C’était une journée trop extraordinaire pour ne pas en conter tous les détails. Une rencontre inespérée, et je veux aussi l’écrire pour que moi, je n’en oublie jamais aucun détail.
Avant tout je veux remercier mon cher et tendre, un mari extraordinaire qui a conduit 12h mercredi et 8h jeudi pour me permettre de vivre ça.
Merci aussi mille fois au commandant des Invalides, dont je ne peux citer le nom, mais qui a rendu ça possible.
Alors je vous raconte depuis le début. Pas le début début de toute l’histoire, mais le début de cette rencontre du 4 juillet.
Depuis un peu plus d’un an maintenant, je travaille sur un projet photographique sur la Shoah. J’ai fait une série de photos sur ce thème, et pour y arriver je m’y suis plongée à corps perdu. Livres, témoignages, j’ai lu, vu tout ce que j’ai pu. Et je continue, il y en a tellement.
Et il y a quelques mois, on est resté éveillé pour regarder un reportage avec mon cher époux (le pauvre, il travaillait tôt le lendemain mais il est resté éveillé pour me soutenir, parce que généralement après ce genre de vidéo je suis émue et triste). C’était un reportage de David Teboul, qui a réuni autour d’un repas les 4 (depuis malheureusement 3) dernières survivantes de Birkenau. Et j’ai découvert ce jour-là Ginette Kolinka.
Une femme extraordinaire. Elle m’a plu : coquette, rationnelle, joyeuse de vivre, reconnaissante, juste, sans langue de bois, pétillante, clairvoyante, beaucoup de bonté, une personne juste incroyable, je l’ai adorée tout de suite. Et j’ai eu envie de la prendre en photo. Et je me suis mise en route, j’ai recherché comment la rencontrer. Elle tourne dans toutes les écoles, zut on est en juin je l’ai raté de partout. Elle donne une conférence fin juin à Toulouse. Hourra ! j’appelle pour réserver, la conférence est annulée. Zut.
Je passe des heures sur internet pour glaner des infos. Je trouve son numéro de téléphone, elle ne répond jamais, elle n’est visiblement pas chez elle. Cela ne m’étonne pas, elle passe son temps à transmettre le souvenir aux jeunes, elle fait des reportages, elle est partout. Je finis par trouver une info comme quoi elle est en repos dans un hôpital. J’en pleure toute la journée. J’espère qu’elle va bien et qu’elle se repose d’avoir trop donné. Elle a 99 ans, et elle a un agenda plus chargé qu’un ministre, pas étonnant qu’elle se repose. Je rationalise. Mais ça tourne dans ma tête. Je veux la prendre en photo.
Alors je vous raconte depuis le début. Pas le début début de toute l’histoire, mais le début de cette rencontre du 4 juillet.
Depuis un peu plus d’un an maintenant, je travaille sur un projet photographique sur la Shoah. J’ai fait une série de photos sur ce thème, et pour y arriver je m’y suis plongée à corps perdu. Livres, témoignages, j’ai lu, vu tout ce que j’ai pu. Et je continue, il y en a tellement.
Et il y a quelques mois, on est resté éveillé pour regarder un reportage avec mon cher époux (le pauvre, il travaillait tôt le lendemain mais il est resté éveillé pour me soutenir, parce que généralement après ce genre de vidéo je suis émue et triste). C’était un reportage de David Teboul, qui a réuni autour d’un repas les 4 (depuis malheureusement 3) dernières survivantes de Birkenau. Et j’ai découvert ce jour-là Ginette Kolinka.
Une femme extraordinaire. Elle m’a plu : coquette, rationnelle, joyeuse de vivre, reconnaissante, juste, sans langue de bois, pétillante, clairvoyante, beaucoup de bonté, une personne juste incroyable, je l’ai adorée tout de suite. Et j’ai eu envie de la prendre en photo. Et je me suis mise en route, j’ai recherché comment la rencontrer. Elle tourne dans toutes les écoles, zut on est en juin je l’ai raté de partout. Elle donne une conférence fin juin à Toulouse. Hourra ! j’appelle pour réserver, la conférence est annulée. Zut.
Je passe des heures sur internet pour glaner des infos. Je trouve son numéro de téléphone, elle ne répond jamais, elle n’est visiblement pas chez elle. Cela ne m’étonne pas, elle passe son temps à transmettre le souvenir aux jeunes, elle fait des reportages, elle est partout. Je finis par trouver une info comme quoi elle est en repos dans un hôpital. J’en pleure toute la journée. J’espère qu’elle va bien et qu’elle se repose d’avoir trop donné. Elle a 99 ans, et elle a un agenda plus chargé qu’un ministre, pas étonnant qu’elle se repose. Je rationalise. Mais ça tourne dans ma tête. Je veux la prendre en photo.
Il y a des associations de rescapés, des réalisateurs de reportages qui l’ont filmés, je contacte tout le monde. Pas de réponse ou pas d’info, je n’avance pas. Et je ne sais plus par quel miracle je finis par trouver une info comme quoi elle se repose aux Invalides. Ok. Après tout pourquoi pas ? Moi qui ne suis pas à l’aise au téléphone, j’appelle les Invalides à Paris, j’explique le projet. La commandante des Invalides me rappelle (waouh ! ) et j’explique pourquoi je veux photographier Ginette. Elle me dit qu’elle va lui en parler et reviens vers moi. Whaou j’y crois à peine. Elle finit par me rappeler le 2 juillet. Je peux rencontrer Ginette le 4. Le temps s’arrête.. Je crois rêver, j’ai du mal à réaliser.
On avait prévu de monter en Belgique le 3, on prend la route comme prévu, et le 4 on fait l’aller retour depuis la Belgique dans la journée. Des occasions comme ça, ça ne se rate pas. Je crois que je n’aurais pas été moins enthousiaste ni moins émue ni moins stressée si j’avais dû prendre en photo Kurt Cobain ou Freddie Mercury.
Ce jour, cette rencontre dont j’ai tellement rêvé est arrivée. J’ai du mal à réaliser. On arrive en avance, le stress monte.
Le commandant nous accueille, d’une grande gentillesse, elle me rassure. Elle nous accompagne dans sa chambre. Elle entre nous annonce. La porte est entrouverte, j’entends Ginette. Wahou ! Je me penche pour l’entre apercevoir… mon cœur bat à 1000 à l’heure. Et puis j’entre dans sa chambre. Je suis sortie de l’espace temps, j’ai du mal à réaliser ! Mes émotions me submergent, elle est là ! Cette femme qui a traversé Birkenau, qui est l’histoire, est là, devant moi.
J’ai imaginé mille fois cette rencontre, imaginé mille fois les photos que je pourrais faire. Je ne veux surtout pas la l’importuner ou lui demander le moindre effort. Elle préfère rester dans sa chambre. Ce sera parfait. Je déplace deux trois choses et lui demande de se mettre à un endroit.
J’essaye de la faire poser :
« Mettez vos mains comme ça svp.
– Ohlala c’est beaucoup trop sérieux ça !
– Ok. Baissez un peu votre menton s’il vous plaît.
– Pourquoi, vous n’aimez pas mon cou ? (toujours en plaisantant et avec le sourire bien sûr).
– Ok Ginette, j’ai compris, on ne va pas poser. On va parler, rigoler, se souvenir, et ce sera tellement mieux. »
Et ça l’a été. Touchant, merveilleux, émouvant. Une femme tellement formidable. J’ai fait des photos. Je crois. Je crois que je n’ai plus trop fait attention aux photos. J’ai discuté avec elle. Quelle joie. Quelle bonne humeur. On a tellement rit : « – Montrez mes dents, je les ai payées assez cher pour qu’on les voit !! »
Tellement ouverte à parler de tout. On a parlé, par exemple, de son tatouage. Il a bien été fait à l’aiguille, et pas au fer rouge comme on aurait pu le penser, vu la considération que les nazis avaient pour leurs prisonniers. Elle a un petit triangle en dessous, elle ne sait pas pourquoi. Ou elle ne sait plus. Aucune importance. J’ai fait des recherches depuis, je crois que c’était pour indiquer qu’elle est juive.
Il y a des associations de rescapés, des réalisateurs de reportages qui l’ont filmés, je contacte tout le monde. Pas de réponse ou pas d’info, je n’avance pas. Et je ne sais plus par quel miracle je finis par trouver une info comme quoi elle se repose aux Invalides. Ok. Après tout pourquoi pas ? Moi qui ne suis pas à l’aise au téléphone, j’appelle les Invalides à Paris, j’explique le projet. La commandante des Invalides me rappelle (waouh ! ) et j’explique pourquoi je veux photographier Ginette. Elle me dit qu’elle va lui en parler et reviens vers moi. Whaou j’y crois à peine. Elle finit par me rappeler le 2 juillet. Je peux rencontrer Ginette le 4. Le temps s’arrête.. Je crois rêver, j’ai du mal à réaliser.
On avait prévu de monter en Belgique le 3, on prend la route comme prévu, et le 4 on fait l’aller retour depuis la Belgique dans la journée. Des occasions comme ça, ça ne se rate pas. Je crois que je n’aurais pas été moins enthousiaste ni moins émue ni moins stressée si j’avais dû prendre en photo Kurt Cobain ou Freddie Mercury.
Ce jour, cette rencontre dont j’ai tellement rêvé est arrivée. J’ai du mal à réaliser. On arrive en avance, le stress monte.
Le commandant nous accueille, d’une grande gentillesse, elle me rassure. Elle nous accompagne dans sa chambre. Elle entre nous annonce. La porte est entrouverte, j’entends Ginette. Wahou ! Je me penche pour l’entre apercevoir… mon cœur bat à 1000 à l’heure. Et puis j’entre dans sa chambre. Je suis sortie de l’espace temps, j’ai du mal à réaliser ! Mes émotions me submergent, elle est là ! Cette femme qui a traversé Birkenau, qui est l’histoire, est là, devant moi.
J’ai imaginé mille fois cette rencontre, imaginé mille fois les photos que je pourrais faire. Je ne veux surtout pas la l’importuner ou lui demander le moindre effort. Elle préfère rester dans sa chambre. Ce sera parfait. Je déplace deux trois choses et lui demande de se mettre à un endroit.
J’essaye de la faire poser :
« Mettez vos mains comme ça svp.
– Ohlala c’est beaucoup trop sérieux ça !
– Ok. Baissez un peu votre menton s’il vous plaît.
– Pourquoi, vous n’aimez pas mon cou ? (toujours en plaisantant et avec le sourire bien sûr).
– Ok Ginette, j’ai compris, on ne va pas poser. On va parler, rigoler, se souvenir, et ce sera tellement mieux. »
Et ça l’a été. Touchant, merveilleux, émouvant. Une femme tellement formidable. J’ai fait des photos. Je crois. Je crois que je n’ai plus trop fait attention aux photos. J’ai discuté avec elle. Quelle joie. Quelle bonne humeur. On a tellement rit : « – Montrez mes dents, je les ai payées assez cher pour qu’on les voit !! »
Tellement ouverte à parler de tout. On a parlé, par exemple, de son tatouage. Il a bien été fait à l’aiguille, et pas au fer rouge comme on aurait pu le penser, vu la considération que les nazis avaient pour leurs prisonniers. Elle a un petit triangle en dessous, elle ne sait pas pourquoi. Ou elle ne sait plus. Aucune importance. J’ai fait des recherches depuis, je crois que c’était pour indiquer qu’elle est juive.
Une chance inouïe d’avoir pu passer ce temps (je serais bien incapable de dire combien de temps j’ai passé dans cette chambre) avec elle.
Je lui demande de bien vouloir dédicacer mon livre. Elle accepte bien sûr, mais d’abord elle plaisante (en riant, comme d’habitude), parce que le livre que j’ai acheté, celui là elle ne l’aime pas. Ce n’est pas le bon. Mauvaise pioche ! Celui-là c’est le deuxième, que l’éditeur a voulu absolument sortir car le premier avait trop bien marché, mais « qu’est-ce qu’on s’en fiche que cette pièce c’était l’atelier de mon père ! » Mais moi c’est tout ce que j’ai trouvé, vous êtes tellement passionnante Ginette que tous les autres sont en rupture de stock.
Elle m’écrit une vraie dédicace, pas juste une signature. Encore une fois je me dis « wahou, quelle chance »
Je range mes affaires. Je m’apprête à partir. On tape à la porte. Parce que comme si je n’étais déjà pas assez chanceuse comme ça, le destin (ou peu importe qui, mais merci) a fait entrer à ce moment là, son fils. Je le reconnais, mais moment d’hésitation pour la commandante, elle dit à Ginette qu’elle ne sait pas qui annoncer ? Moi je sais, mais je reste sans voix. Il finit par se présenter, avancer vers sa mère et oui je l’ai bien reconnu, c’est bien son fils… Le grand monsieur Richard Kolinka. Ce nom vous dit quelque chose ? oui peut être, en tout cas vous l’avez tous entendu jouer, c’est le batteur du groupe Téléphone. Et oui. Quand on a de la chance on a de la chance. Je lui propose, forcément, une photo avec sa maman. Il accepte avec plaisir, on échange deux mots, on plaisante, il plaisante avec sa mère. J’ai définitivement perdu tous mes moyens. Je fais au plus vite, j’ai trois secondes et demie pour prendre ma photo, je les remercie, mille fois, et encore une fois aujourd’hui. Et je m’éclipse, pour les laisser en famille.
Quel bonheur. Quelle chance. Quelle journée. Quelles rencontres.
Une chance inouïe d’avoir pu passer ce temps (je serais bien incapable de dire combien de temps j’ai passé dans cette chambre) avec elle.
Je lui demande de bien vouloir dédicacer mon livre. Elle accepte bien sûr, mais d’abord elle plaisante (en riant, comme d’habitude), parce que le livre que j’ai acheté, celui là elle ne l’aime pas. Ce n’est pas le bon. Mauvaise pioche ! Celui-là c’est le deuxième, que l’éditeur a voulu absolument sortir car le premier avait trop bien marché, mais « qu’est-ce qu’on s’en fiche que cette pièce c’était l’atelier de mon père ! » Mais moi c’est tout ce que j’ai trouvé, vous êtes tellement passionnante Ginette que tous les autres sont en rupture de stock.
Elle m’écrit une vraie dédicace, pas juste une signature. Encore une fois je me dis « wahou, quelle chance »
Je range mes affaires. Je m’apprête à partir. On tape à la porte. Parce que comme si je n’étais déjà pas assez chanceuse comme ça, le destin (ou peu importe qui, mais merci) a fait entrer à ce moment là, son fils. Je le reconnais, mais moment d’hésitation pour la commandante, elle dit à Ginette qu’elle ne sait pas qui annoncer ? Moi je sais, mais je reste sans voix. Il finit par se présenter, avancer vers sa mère et oui je l’ai bien reconnu, c’est bien son fils… Le grand monsieur Richard Kolinka. Ce nom vous dit quelque chose ? oui peut être, en tout cas vous l’avez tous entendu jouer, c’est le batteur du groupe Téléphone. Et oui. Quand on a de la chance on a de la chance. Je lui propose, forcément, une photo avec sa maman. Il accepte avec plaisir, on échange deux mots, on plaisante, il plaisante avec sa mère. J’ai définitivement perdu tous mes moyens. Je fais au plus vite, j’ai trois secondes et demie pour prendre ma photo, je les remercie, mille fois, et encore une fois aujourd’hui. Et je m’éclipse, pour les laisser en famille.
Quel bonheur. Quelle chance. Quelle journée. Quelles rencontres.